Je ne suis pas le seul restaurateur français en Lettonie, mais je suis parmi les 5 ou 6 qui y exercent.
Je ne suis pas le seul français à parler couramment Letton, mais nous ne sommes pas nombreux.
D'autres plus talentueux, disposant de plus de temps ou de plus de volonté ont déjà commencé des blogs sur la Baltique ou, en particulier, sur la Lettonie. Je les lis, de temps en temps, avec plus ou moins d'assiduité : Antoine, Gilles, Jean, ces passagers du bateau balte qui y font quelques traversées plus ou moins longues et en rendent compte avec intérêt, un regard amusé ou intellectuel ou passionné. Ils sont mes compagnons occasionnels de croisière : nous nous croisons, échangeons quelques mots, soit dans le monde réel, soit dans le virtuel et il se passe souvent des mois, voire des années avant une nouvelle rencontre.
Ils me renvoient leur vision de la réalité quotidienne de ma région d'adoption. Nous partageons des petits morceaux d'intérêt pour ces pays : pour l'un l'histoire, pour l'autre les histoires ; pour l'un la politique, pour l'autre l'art. Des échanges croisés, brefs comme un message sur facebook ou un commentaire au bas d'un blog.
Et puis, il y a ceux qui n'écrivent pas : pas le temps, pas l'envie ou bien tant d'autres choses à faire. Je pense aux autres lettonisés ou russifiés, ceux qui ne sont plus tout à fait français et, en même temps, le sont tellement. Jean-Michel, Christophe, Jonathan, Bernard, Jean-Manuel, Lucien, sommes-nous l'équipage, les soutiers de ce bateau des français de Lettonie ? Ceux pour qui les descentes à quai ne sont que des escales. Ceux qui voient passer les diplomates comme des officiers en tenues blanches qui savent qu'ils changeront de bateau ou retourneront au port à l'issue de leur affectation. Ceux qui accueillent les nouveaux arrivants et leurs facilitent l'installation. Ceux à qui l'on demande conseil soit dès l'arrivée, soit dès que l'on a chuté dans l'une des multiples chausse-trappes de l'expatriation. Ceux qui vivent la Lettonie au quotidien sans masque, sans filet et la prennent à bras le corps comme l'on valse avec une maîtresse passionnée, passionnante et parfois cruelle. Ceux qui savent que la Lettonie n'est pas faite de sa tiédeur ou froideur apparente, mais que, comme les plantes de ses marais, elle tisse un réseau de racines profondes et enchevêtrées, ou tout est proximité tant dans les pleurs que dans la joie.
En avons-nous donné des coups de gueule contre ce pays, sa politique, sa vie ! Autant sans doute que nous avons senti grandir en nous la passion que nous lui vouons. Sinon, pourquoi serions-nous encore ici, après toutes ces années ?
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