mardi 16 juillet 2013

Porteur de valise

Pour la quatrième fois déjà, à l'aéroport de Wien-Schwechat, l'agent de sécurité d’El-Al m’avait renvoyé au bout de la queue qui serpentait jusqu'au filtre pour le vol de Tel-Aviv. Pour la cinquième fois on allait me poser les mêmes questions : identité, motif et destination précis de mon voyage, contenu de mon bagage. Pour la cinquième fois, j'allais donner les mêmes réponses : "Lisez mon passeport. Consulat général de France à Jérusalem. Mission de liaison. Pas votre problème." Et encore une fois, l'agent allait essayer de me faire ouvrir mon bagage ou de le passer au tunnel. 

Un jour en Palestine

Où commence-t’on une histoire ?
Au début pour être logique ? A la fin pour être original ? Les histoires vraies n'ont ni l’une, ni l'autre : elles s'inscrivent dans une continuité entre causes et conséquences, un passé qui explique et un futur qui dépend ; à moins que ce soit l'inverse.

Commençons un jour presque banal de l'an 1999, le 11 août. Il ne se distinguait des autres que par une curiosité astronomique très locale : une éclipse de soleil.
Par chance, une journée de repos nationale avait été déclarée et le consulat général de France à Jérusalem nous avait généreusement offert une paire de lunettes spéciales "éclipse" pour deux.

Les deux touristes que nous étions avaient décidé en cet exceptionnel jour de repos, d'aller de notre hôtel de Beit-Jala à Jericho, de se baigner dans la mer Morte, de voir le pont Allenby et le Jourdain et de revenir par les montagnes de Cisjordanie.

C'est là, dans une gorge entre deux massifs de grès rouge que l’éclipse a commencé. Ça faisait quelques kilomètres que nous ne voyions plus aucun champ, plus aucune trace d'activité humaine, sauf la route, bordée de ses murs minéraux, immuables et semblant vieux comme la bible. La falaise ne laissait pas la place pour s'arrêter jusqu'à ce qu'enfin, un dégagement propice sur la droite apparaisse.

Notre voyage avait commencé très tôt. On approchait de midi et nous étions loin de la vallée du Jourdain. Le désert de Judée portait son souffle brûlant jusqu'ici. En sortant de la voiture climatisée, l'impression suffocante de respirer de l'eau chaude. Retour à l'enfance. Sept ans. Première arrivée en Afrique. Au sortir de la Caravelle d’Air France, cette même sensation pour la première fois mais accompagnée de la panique qui saisit un enfant qui croit qu'il va mourir et voit tous les adultes alentour faire comme si de rien n'était. La sensation n'avait duré que quelques minutes. Le petit garçon avait suivi l'exemple des adultes et personne n'avait rien vu. Et il avait appris qu'avec certaines choses insupportables, il faut simplement attendre que ça passe.